BASELWORLD 2017: Louis Moinet Mobilis – La gravité de l’attraction du vide
Avec la montre Mobilis, la maison Louis Moinet propose une pièce de haute chronométrie faisant fusionner «in mobile» les deux talents du maître: l’horlogerie et les arts graphiques.
Faut-il le rappeler, ce brillant horloger français (1768-1853) dont les œuvres et les traités ont servi la cause de plusieurs générations d’horlogers, fait partie de la petite poignée des plus grands maîtres de son siècle. Ainsi, il inventa à l’aube du XIXème siècle un instrument baptisé Compteur de Tierce (ndlr: considéré par Wikipedia et le Guiness Book comme le tout premier chronographe, avant même que le mot servant à en désigner les fonctions n’apparaisse dans le vocabulaire) (visiter l’espace Watchonista consacré à cette incroyable invention). Seulement, à force de focaliser sur le talent mécanique de cet infatigable passionné, les amateurs en oublient qu’il fut également un peintre apprécié.
Apologie de la transparence
Rendre justice à la mémoire multiforme de cet homme aux nombreux talents s’imposait naturellement. Pour Jean-Marie Schaller, le fondateur de la maison Louis Moinet, l’hommage véritable consiste à réunir en une seule montre deux des facettes fondamentales de cet artiste accompli. Véritable exploit technique, cette pièce de 47,4 mm de diamètre en or blanc dont la transparence donne le vertige tant le vide capte le regard, célèbre la richesse de son travail et révèle son extrême logique.
Ainsi, les deux tourbillons volants, aériens et travaillant en opposition sur deux roulements à billes en céramique, n’ont pas pour but d’épater les amateurs de belle mécanique. Ces éléments travaillant en opposition ont évidemment une vraie raison d’être et une portée historique. Les connaisseurs devineront que ces organes brevetés en 1801 à Paris par Breguet – l’ami de Louis Moinet – pourraient être une allégorie cinétique des travaux menés sur la résonance par Breguet et Antide Janvier, et dont Louis Moinet avait connaissance. Il n’est pas interdit d’imaginer que ces deux organes réglants puissent entrer «en sympathie» comme le disaient les horlogers de l’époque, autrement dit qu’ils soient moins sensibles aux changement infimes de rythme sur des mouvements brusques une fois harmonisée leurs fréquences respectives de 21’600 alternances par heure.
Hypnose horlogère
Cette montre, qu’aurait pu concevoir un prestidigitateur comme le fut l’horloger Charles Oudin, pour un mentaliste adepte de l’hypnose, est en fait une allégorie du travail artistique qu’a pratiqué Louis Moinet. En effet, une fois le regard parvenu à s’arracher à l’attractivité des deux cages de tourbillon volant de 0,4 grammes chacune et effectuant une ronde minutée, il se fait irrémédiablement capter par le cadran décentré des heures.
Ce ne sont pas les deux sobres aiguilles au dessin «goutte de rosée» qui le retiennent, mais l’effet kaléidoscope produit par les disques finement ajourés tournant en sens opposés sous la structure du cadran ajouré en ellipse. L’illusion optique à l’effet hypnotique indéniable, donne l’impression d’un effondrement gravitationnel du cadran vers un infini centré sur l’axe des aiguilles.
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Au final, cette montre à la fascinante attractivité est mue par un majestueux calibre mécanique à remontage manuel, mis au point par Louis Moinet. De ce cœur, on retient sa construction aérienne et sa réserve de marche de 56 heures. Avec pareille autonomie malgré les déperditions énergétiques liées à tous les mobiles dont il faut entretenir la rotation (les deux cages de tourbillon volant et le caléidoscope sous le cadran), il eut été logique de découvrir un imposant barillet. Toutefois, et cela doit tenir à la faculté de cette pièce d’hypnotiser son monde, personne n’a remarqué qu’il est invisible par le fond…
Avec cette montre produite à seulement 12 exemplaires en or blanc 18 carats, Louis Moinet démontre à sa façon que la magie entretenue par la mise au point de belles mécaniques est la plus belle manière de ré-enchanter un marché en quête d’un nouveau souffle. Avec elle, Louis Moinet a trouvé les moyens de détourner l’attention des «pros» en les mettant dans un état second afin de les faire se concentrer sur son caractère ludique.